Ève Lomé

Journal extime

Mort au champ d’honneur

Mort au champ d’honneur
Mort au champ d’honneur
Mort au champ d’honneur

Mélisande
Mes longs cheveux descendent jusqu’au seuil de la tour ;
Mes cheveux vous attendent tout le long de la tour,
Et tout le long du jour,
Et tout le long du jour.
Saint Daniel et Saint Michel,
Saint Michel et Saint Raphaël,
Je suis née un dimanche,
Un dimanche à midi…
J’arrange mes cheveux pour la nuit…
Je ne puis me pencher davantage…
Je suis sur le point de tomber…
Oh ! Oh ! mes cheveux descendent de la tour !

Pelléas
Oh ! oh ! qu’est-ce que c’est ? tes cheveux, tes cheveux descendent vers moi !
Toute ta chevelure, Mélisande, toute ta chevelure est tombée de la tour !
Je les tiens dans les mains, je les tiens dans la bouche…
Je les tiens dans le bras, je les mets autour de mon cou…
Je n’ouvrirai plus les mains cette nuit !
Je n’ai jamais vu de cheveux comme les tiens, Mélisande !
Vois, vois, vois, ils viennent de si haut et ils m’inondent encore jusqu’au cœur ;
Ils m’inondent encore jusqu’au genoux !
Et ils sont doux, ils sont doux comme s’ils tombaient du ciel !
Je ne vois plus le ciel à travers tes cheveux.
Tu vois, tu vois ? Mes deux mains ne peuvent pas les tenir ; il y en a jusque sur les branches du saule…
Ils vivent comme des oiseaux dans mes mains, et ils m’aiment, ils m’aiment plus que toi !
Je les noue, je les noue aux branches du saule…
Tu ne t’en iras plus…tu ne t’en iras plus…
regarde, regarde, j’embrasse tes cheveux…
Je ne souffre plus au milieu de tes cheveux…
Tu entends mes baisers le long de tes cheveux ?
Ils montent le long de tes cheveux…
Il faut que chacun t’en apporte…
Tu vois tu vois, je puis ouvrir les mains…
J’ai les mains libres et tu ne peux plus m’abandonner…

Dubuffet avant sa calvitie

Publié le 6 mars 2021

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